mardi 17 mars 2015

En Franche-Comté

Ici, depuis le moyen-âge se perpétuent les fameuses fruitières, groupement de producteurs de lait qui président à la confection des meules de comté à la taille respectable. Le chalet où les fromagers s'affairent devant les grands chaudrons de cuivre, est le plus bel édifice du village jurassien.
La montagne du Haut-Doubs ne présente pas d'aspects très impressionnants ; on n'y trouve pas de pics aigus, de grandes parois rocheuses ou de vallées profondément encaissées.; ses altitudes sont modestes. A la montagne, la production laitière a toujours été largement concentrée sur les mois d'été, ce qui rend nécessaire l'élaboration d'un produit de bonne conservation, un fromage de garde que l'on peut consommer très longtemps après sa fabrication. Jadis ce fromage était le vacherin, aujourd'hui c'est le Comté ou l'Emmental.
Il s'est toujours agi d'un fromage de forte taille, trop gros pour être fabriqué quotidiennement avec du lait d'une seule table. Les premières fruitières connues datent du XIII° siècle et se situent dans le région de Levier-Salins et Mouthe ; ce ne sont que des associations de fait pour la mise en commun du lait de la journée : chaque paysan recevant le fromage au prorata de ses fournitures. Jusqu' à la fin du XIX° siècle, la fabrication s'effectuait chez le sociétaire qui bénéficiait du tour, il n'y avait ni local spécialisé, ni fromager qualifiés. Le matériel coopératif se composait, en tout et pour tout d'un chaudron que l'on transportait de ferme en ferme sur une charrette..
 Dès 1850, les fruitières commencent à de doter de chalets et affinent les fromages dans leurs caves. Mais celles-ci sont exiguës et le paysan souhaite percevoir au plus vite le prix de son lait. De ces deux raisons naissent les unions d'affinage, sorte de fédérations de coopératives qui reçoivent les fromages en blanc, versent un acompte aux fruitières et leur ristournent le reste après la vente.
Il existait en 1975, quelques quatre cent cinquante fruitières en Franche-Comté et quatre unions d'affinage. On s'oriente lentement vers une prise en charge au moins partielle de la fabrication des meules par ces unions, afin d'améliorer la qualité et de réduire les frais de production.
J'ai vu la fabrication de comté à la fruitières des Hôpitaux-Vieux, voici quelques années.
Mais avant de vous en parler, je voudrais rappeler un article du journal Le Monde expliquant que les fruitières coopératives modernes, en s'opposant aux méthodes anciennes d'exploitation, ont peut-être enrichi la profession mais surtout ont modifié le visage et les mœurs de toute une région. Il y avait de véritables "crus" reflétant l'herbe riche et parfumée, nourrissant tel ou tel troupeau autrefois.
M. Jacques Duhamel, initiateur de la Charte du Comté (février 1970), récuse cette opinion. Mais il est quand même à craindre un nivellement moyen de la qualité d'un fromage qu'il faut appeler comté plutôt que gruyère de comté, ce qui peut tromper le consommateur ignorant que la vallée de la Gruyère et la petite ville adorable de Gruyères sont en Suisse (Canton de Fribourg).
Revenons à ma visite d'une fruitière française.
Les fermiers amènent leur lait à la fruitière, qui possède 4 chaudrons contenant chacun 400 litres de lait. Le fromager additionne le lait de présure puis le chauffe progressivement tandis que simultanément la caillé est découpé en petits grains et brassé dans le sérum au moyen d'un brassoir à fils métalliques.
Lorsque le brassage est achevé, le fromager, se penchant dangereusement au-dessus de la cuve, tient dans ses deux mains les deux coins d'une toile, avec l'autre extrémité entre les dents, il ramasse d'un seul coup le caillé d'environ 50 kilos  et accroche très rapidement à l'aide d'une corde la toile à un palan, qui lui permet de transporter le tout dans la presse se trouvant de l'autre côté. Il y restera 36 heures.
Le salage est effectué au gros sel. Le comté est affiné durant 6 mois dans des caves tour à tour chaudes et humides IL en sort une pâte ferme contenant peu de trous, à la fine saveur de noisette et une croûte rugueuse.
A suivre...
Par vaux et par monts le lait frais, dans "la bouille" poursuit son chemin jusqu'au chalet ; versé dans le chaudron son caillage y sera minutieusement surveillé. Beaufort, Savoie.

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